LA FOLLE PASSION DU CHEVAL DE MERENS

En 1976, au cours d'une randonnée nationale autour de FlORAC (Lozère) , les Mérens récemment introduits dans le Parc National des Cévennes se classent tous dans les premières places. Preuve qu'ils sesont parfaitement adaptés aux caractéristiques de la région. Un reportage à la télé, leur est entièrement consacré. Le coup de foudre est immédiat.C'est la première fois que j'entends parler de cette race en voie

 

de disparition. J'ai déjà les mêmes passionsqu'aujourd'hui Dans ma tête, l'idée a germé: il faut quej'introduise des chevaux de Mérens à Château la ville et saint-Médard. Pour l'heure c'est difficile, je vais à l'école, je n'ai pas de terrains et pas un sou en poche.Quatorze ans plus tard, j'aurai réussi mon pari. Mais tout n'a pas été facile. Depuis toujours, c'est-à-dire depuis la préhistoire, le Merens a vécu dans lesPyrénées Ariégeoises. En effet, dans les grottes de Niaux, près de Tarascon sur Ariège, Plusieurs peintures Magdaléniennes représentent des têtes et des corps de chevaux rappelant de manière saisissante les traits spécifiques de la race des Mérens. Rien n' interdit d'y voir la galerie des Ancêtres des Mérens.L'isolement du troupeau pendant plusieurs millénaires expliquerait la remarquable homogénéité du cheptel.Le cheval de Mérens est l'un des rares équidés connaissant encore la liberté. En effet, cinq mois par an, de mai à octobre, le Mérens transhume dans les estives Ariégeoises à plus de 2000 mètres d'altitude.

 

Il y côtoie le précipice, le torrent en crue, les intempéries. Les accidents mortels auxquels sont particulièrement exposés les poulains de l'année, justifient le dicton local: Comme le troupeau mange la montagne, la montagne mange le troupeau. Quand les éleveurs rapatrient leurs troupeaux, chassés par lespremières neiges d'octobre, le Mérens a acquis les réserves qui lui permettront de surmonter l'hiver, mais aussi l'endurance, la sûreté de pied, l'agilité qui sont les qualités les plus appréciées de la race.Mais le Mérens revient de loin, l'année 1964 qui marqua le creux de la vague, n'enregistra que 20 naissances et 10 inscriptions au "Stud-book" (livre des origines) Les Mérens qui étaient présents dans toutes les fermes d'Ariège, pendant la première moitié du 2Oème siècle, n'étaient pratiquement représentés (toujours en1964) que dans le Canton des Cabannes (Ariège). Heureusement pour lui, le Mérens reçut l'aide

 

de quelques 'illuminés" qui fuyant la ville, le "bizness" et l'idéologie des "trente glorieuses se réapproprièrent des territoires et y introduirent les derniers représentants des races en voie de disparition.Qu'il s'appelle Olivier Courthiade, Ariégeois de naissance, élève en terminale, qui a 16 ans en 1971 alla solliciter une aide financière au Ministère Jeunesse et Sports pour développer la Race et acheter sapremière poulinière. Qu'il s'appelle Georges Buttet, professant un syncrétisme religieux à forte dominante Judéo-Chrétienne, installé dans les Alpes, premier sauveteur et acheteur étranger à l'Ariège. Qu'ils'appelle Jean Coulardeau, ex Président de l'université le Rennes, installé aux Vastres à la limite de l'Ardèche et de la Haute-Loire, premier éleveur du Massif central. Qu'il s'appelle Jean Le Berre, créateur d'un Conservatoire des races menacées dans les Monts du Forez à Pierre sur Haute. Qu'ils soient Anglais, Irlandais, ex-zonards de Toulouse, tous soixantuitards: installés dans l 'Ariège. le Mérens leur doit d'être encore présent sur notre territoire. Çà valait le coup d'abandonner le métro, les H.L.M., et l'Américan-express. Aujourd'hui, M. Bertrand Hervieu, sociologue, nommé directeur le l'I.N.R.A. (Institut National de Recherches Agronomiques) vante tout azimut le travail fait par les Néo-ruraux pour sauver le Mérens et quelques autres races en voie de' disparition (Chèvres de Roves, Vaches bretonnes, ou Casta....) Ilsouhaiterait que ces initiatives soient des cas d'école pour le sauvetage d'autres espèces animales et végétales. Assurément les agriculteurs du cru ont abandonné un peu trop vite en patrimoine génétique, émerveillés par la productivité de races créées sur mesure pour augmenter les bénéfices. Voilà pourquoi,pendant très longtemps, les éleveurs de Mérens ont fondé une grande famille à contre courant des idées véhiculées dans le monde rural.

 

Il y a quinze ou vingt ans, choisir de posséder des Mérens était entrer en religion. Etre en rupture avec la société productiviste et polluante, chercher une qualité de vie en harmonie avec la nature. Rechercher les espaces préservés et y introduire entre autres des espèces menacées.Aujourd'hui, il existe un ciment affectif entre beaucoup d'éleveurs de Mérens définis écolos, contestataires, anti productivistes, marginaux par ceux qui ne comprennent pas le chemin choisi. Pour revenir à madémarche personnelle, je ne reste pas sans rien faire après mon coup de foudre de 1976. J'essaie de me renseigner, contacte Les Haras Nationaux qui n'ont aucun représentant dans leur établissement,Contacte le Sherpa (Syndicat Hippique d'Elevage de la Race pyrénéenne Ariégeoise) dite de Mérens, qui me fait parvenir les coordonnées des rares éleveurs de l'époque propriétaires de Mérens. Commence alors un"Tour de France" qui me permet de découvrir à la fois' des chevaux, mais aussi des éleveurs avec souvent un état d'esprit et un mode de vie qui me conviennent parfaitement. En Ariège, j'ai trouvé la parfaite communion entre une terre, les hommes et leurs chevaux. Cette situationest parfaitement exportable, et commence d'ailleurs à être pas mal exportée dans les zones de montagne principalement Alpes et Cévennes.Mes voyages en Ariège deviennent de plus en plus nombreux. Seul obstacle de taille, j'ai de grosses difficultéspour louer des terres dans Le secteur recherché (Saint-Médard, Château la Ville). En 1989, profitant de plusieurs concours de circonstances, j ai réussi à rassembler suffisamment de terrains , J'ai acheté mes premiers poulains chez Xavier Paquin et Simone verdier, tous deux ingénieurs agronomes diplômés en écologie végétale, éleveurs de 80 Mérens qu'ils font transhumer sur lesmontagnes ariégeoises. Le 26 mars 1990, après 14 heures de camion (tombé en panne) Baladin, Bivouac et Barthélemy débarquent à Saint-Médard. L'aventure commence.

 

 

Dans la foulée, je rencontre Brigitte Branchereau et Isabelle Bernard, qui vivent dans un hameau abandonné et en ruines du Puy de Dôme pourélever des Mérens et accueillir des enfants de tout âge et tout horizon. C'est chez elle que mes chevaux sontdressés à la selle, à l'attelage, à divers travaux  agricoles. C'est chez elle que j'achète Réna, une jument Mérens qui poulinera deux fois à Saint-Medard. (Huguenot en 1995 et Jacynthe en 1997) Voilà le résumé d'une passion entre un homme, des chevaux, un mode de vie et un état d'esprit. Assurément malgré quelques soucis et quelques nuits blanches, Les Mérens m'apportent entre autre du bonheur et de l'équilibre.Aujourd'hui le Mérens semble sauvé de la disparition qui lui était promise. Il est devenu un cheval de loisirs recherché et apprécié, et un compagnon idéal. Il s'est parfaitement adapté aux Gorges de l'Allier, mais depuis mon coup de foudre de 1976, je n'en avais jamais douté.